1 Introduction

LES TENTATIVES faites jusqu'ici pour comprendre les phénomènes militaires et financiers des vle-vllle siècles n'ont pas toujours cherché à tirer parti de l'information relative à l'époque précédente. Et quand elles l'ont fait, elles n'ont pu se fonder que sur des interprétations qui doivent pour une bonne part être remises en cause. Peut-être est-ce d'ailleurs la grande confusion semblant régner dans l'histoire fiscale et monétaire du IVe siècle qui a découragé les byzantinistes d'y rechercher les éventuelles racines de leur objet d'étude. L'enquête que j'ai menée sur l'armée d'Egypte de Gallien à la conquête arabe m'a donné la possibilité de poursuivre, à partir d'un exemple régional (replacé naturellement dans le contexte global de l'Empire), l'étude des continuités et des ruptures durant quatre siècles, question que j'ai également mise au centre de mes recherches sur la monnaie, les finances et la fiscalité de l'Antiquité tardive. Sans pouvoir entrer ici dans le détail de certaines argumentations, et sans chercher à présenter un “tableau” des systèmes de financement des armées aux vle-vllle siècles, je voudrais simplement indiquer quelques éclairages dont ces systèmes peuvent bénéficier en fonction de ce qui avait été conçu ou expérimenté au cours des deux siècles précédents. J'en viendrai ainsi à me demander si des réalités telles que le système fiscal, le système monétaire, la barbarisation du recrutement, le mode de rétribution de l'armée, l'insertion du milieu militaire dans la vie économique, l'opinion des civils au sujet de la dépense militaire, se présentent de la même façon au IVe et au VIe siècle. J'essaierai de signaler les continuités et de délimiter ce qui peut apparaître comme des innovations.

C'est pourquoi, tout en orientant cet exposé en fonction des problématiques les plus tardives, je serai amené à accorder au IVe siècle une place plus large que ce que les organisateurs ont souhaité et recommandé. Il n'échappera cependant à personne que je le ferai uniquement dans le souci de faire circuler l'information entre deux domaines d'étude souvent tenus trop séparés pour mon propre goût. Il sera d'autre part fait appel, plusieurs fois, à la documentation papyrologique en tant qu'elle permet de préciser les implications concrètes de notions qu'on a parfois tendance à manier comme des entités nécessaires et suffisantes, dans l'idéalité du discours.