En 2018, la Coalition Avenir Québec (CAQ) a été élue avec une forte majorité au Québec, brisant le bipartisme libéral et péquiste installé dans la province depuis les années 1970. François Legault, alors nouvellement premier ministre, affirmait quelques mois après son élection « qu’il allait réaliser 100% de ses promesses électorales » (Duval et al., Reference Duval, Fortier-Chouinard, Gilbert, Birch, L., Y., D. and C2022 : 49).
Rédigé presque au terme du premier mandat de la CAQ, l’ouvrage collectif Bilan du gouvernement de la CAQ : Entre nationalisme et pandémie se penche sur les 251 engagements électoraux faits par cette formation politique. Dirigé par Lisa Birch, Yannick Dufresne, Dominic Duval et Camille Tremblay-Antoine, le livre a été publié en 2022 aux Presses de l’Université Laval. Il s’inscrit dans une longue tradition d’ouvrages portant sur les bilans électoraux, tout comme l’ont fait précédemment l’objet les gouvernements Charest, Marois et Couillard.
Afin de poser un regard neutre sur les quatre premières années au pouvoir de la CAQ, les auteurs se basent, entre autres, sur des données récoltées par le Polimètre. Cet outil, développé à l’Université Laval, recense les promesses électorales et détermine ensuite leur niveau de réalisation selon une échelle : réalisée, partiellement réalisée, en voie de réalisation, rompue ou en suspens (Duval et al., Reference Duval, Fortier-Chouinard, Gilbert, Birch, L., Y., D. and C2022 : 50).
Chaque chapitre du livre est signé par des auteurs différents. Ils sont issus de diverses universités majoritairement québécoises. Une thématique principale – par exemple l’environnement, l’immigration ou encore les affaires municipales – est abordée dans la majorité des 15 chapitres qui constituent l’ouvrage entier. Le format des chapitres est sensiblement similaire tout au long du livre. Les auteurs commencent par situer la position de la CAQ sur certaines thématiques – la santé, l’éducation et l’économie ayant été nommés comme des priorités du parti –, étoffent ensuite leur propos au regard des données colligées grâce au Polimètre et exposent un bilan des réalisations, des promesses. Lorsque le nombre de promesses est très élevé, les auteurs ont parfois fait le choix de ne se pencher que sur certaines d’entre elles. Par exemple, le chapitre sur la santé détaille 19 des 55 promesses faites dans ce domaine (Bertrand et al., Reference Bertrand, Jacques, Maioni, L., Y., D. and C2022 : 83).
Pour obtenir un portrait rapide et global de la situation, le tableau présenté dans le chapitre 5 synthétise les promesses faites et réalisées totalement ou en partie selon divers secteurs d’activités. Rappelons que pour être considérée comme réalisée, une promesse doit être « suivie d’une action gouvernementale sanctionnée » (Duval et al., Reference Duval, Fortier-Chouinard, Gilbert, Birch, L., Y., D. and C2022 : 51). Pour sa part, une promesse est dite partiellement réalisée lorsqu’un compromis a été fait par rapport à ce qui avait été annoncé dans la plateforme électorale ou encore s’il y a non-respect de l’échéancier annoncé ou des investissements promis (Duval et al., Reference Duval, Fortier-Chouinard, Gilbert, Birch, L., Y., D. and C2022 : 51).
À titre d’exemple, c’est le secteur de la culture où le taux de réalisation est le plus élevé, à savoir 100 % (Tremblay-Antoine et al., Reference Tremblay-Antoine, Dufresne, Fortier-Chouinard, Cloutier, Côté, L., Y., D. and C2022 : 69). Cependant, dans d’autres domaines tels que les gouvernements et la gouvernance, à peine 29% des promesses électorales annoncées par la CAQ en 2018 se sont réalisées entièrement (Tremblay-Antoine et al., Reference Tremblay-Antoine, Dufresne, Fortier-Chouinard, Cloutier, Côté, L., Y., D. and C2022 : 69).
L’ouvrage contribue à la littérature en offrant un portrait à un moment précis de l’histoire politique du Québec. Alors que certains lecteurs pourraient soulever des questionnements quant à la pérennité des données, notons que le gouvernement Legault se distingue de ses prédécesseurs par la gestion d’une pandémie : celle de la COVID-19. Cette situation unique de gouvernance fait de la CAQ un cas d’étude pertinent. Les auteurs soulèvent d’ailleurs que le bilan de gestion pandémique par la CAQ serait un facteur explicatif de sa position de force dans les sondages effectués avant le scrutin de 2022 (Tremblay-Antoine et al., Reference Tremblay-Antoine, Dufresne, Fortier-Chouinard, Cloutier, Côté, L., Y., D. and C2022 : 254). Pour ces raisons, l’ouvrage perdurera dans le temps, et ce, même si les données proviennent du début des années 2020.
Soulignons cependant que même si le livre souhaite faciliter « la tâche des citoyens et citoyennes du Québec en leur offrant une rétrospective des réalisations du gouvernement de la CAQ » (Birch et al., Reference L., Y., D. and C.2022 : 9), le style rédactionnel et la présentation des données s’adressent à un public aiguisé et familier avec la recherche de type académique. La grande quantité d’information contenue dans les chapitres résulte en une lecture laborieuse pour certains. L’explication en détail de la démarche empirique des auteurs, la présentation des statistiques, ainsi que les visualisations de données seront appréciées par les universitaires, mais pourraient représenter un défi pour des lecteurs du grand public.
Au final, l’ouvrage offre un portrait précis du premier mandat de la CAQ. Le but de Birch, Dufresne, Duval et Tremblay-Antoine de proposer « des analyses originales sur les réalisations du gouvernement de la CAQ, […] en tenant compte des effets de la pandémie sur la performance gouvernementale » (2022 : 4) a été atteint. L’ouvrage synthétise de façon complète le premier mandat du gouvernement caquiste, permettant aux lecteurs de faire une rétrospective sur les engagements tenus ou non par le parti dans un contexte pandémique unique.